Just do N.E.A.T

En 2009, il s’est produit deux événements majeurs outre-Atlantique : l’investiture de Barack OBAMA comme 44ème président des Etats-Unis et la publication des travaux du professeur James A. LEVINE. Fort logiquement, on a beaucoup plus entendu parler du premier que du second. Et c’est dommage, parce que les recherches de ce spécialiste de l’obésité sont particulièrement intéressantes. Remédions donc sans plus attendre à cette injustice en consacrant un article au N.E.A.T du professeur LEVINE.

N.E.A.T ? But what is it ? Read the answer below !

L’autre activité physique

Si je vous dis activité physique, vous me répondez quoi ? Sport, probablement. Et bien le N.E.A.T désigne au contraire toute dépense énergétique n’entrant pas dans le cadre de la pratique sportive. Ce sont tous ces petits mouvements que nous effectuons au quotidien, sans même y prêter attention. Comme se laver les dents, préparer à manger, faire la vaisselle, marcher, monter des escaliers, jardiner… Et oui, nous avons tendance à l’oublier, mais tout ceci a un coût énergétique !

D’où l’acronyme N.E.A.T qui signifie en anglais « Non Exercise Activity Thermogenesis » et que l’on peut traduire par « thermogenèse induite par une activité non sportive ». Pour faciliter la compréhension de ce terme, je résumerai grossièrement le mot  «thermogénèse » par l’action de « brûler des calories ».

Nous avons vu au cours d’un précédent article que la consommation calorique avait fortement augmenté dans les pays industrialisés. Ce dont on parle moins en revanche, c’est que dans un même temps le nombre de calories dépensées chaque jour s’est effondré.

Le signal d’alarme du Professeur LEVINE

Comme exposé en introduction, le professeur James A. LEVINE est un spécialiste américain de l’obésité. Il travaille en collaboration avec le gouvernement des Etats-Unis, les Nations-Unies, la Chine et plusieurs pays d’Afrique. Il est également l’auteur de nombreux ouvrages sur le sujet et ses recherches sont régulièrement publiées dans des revues scientifiques réputées telles que Science, Nature et The New England Journal of Medecine. Pour l’ensemble de son œuvre, il a reçu plus de 50 prix scientifiques nationaux et internationaux.

Mais ce qu’il y a de plus intéressant, c’est qu’il étudie le N.E.A.T depuis plus de 20 ans. A cet effet, il dirige une équipe de 150 chercheurs qui dissèquent au quotidien les interactions entre le N.E.A.T, la nutrition et le métabolisme humain. Les conclusions récentes de LEVINE sont les suivantes : jamais, depuis sa création, l’Humanité n’a traversé d’aussi grave crise énergétique. Il ne fait pas référence ici aux énergies fossiles comme le pétrole ou le gaz naturel, il parle de la dépense énergétique humaine : le N.E.A.T.

Si l’on se fie à ses travaux, les modes de vie actuels et les progrès technologiques auraient entraîné une chute drastique du nombre de calories dépensées par jour. Précisément de l’ordre de 1000 à 2000 calories selon les individus. Si ceci s’avère exact, ces chiffres sont colossaux ! L’évolution du poids de la population mondiale semble hélas abonder dans ce sens.

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le surpoids touche actuellement 1,4 milliard de personnes âgées d’au moins 20 ans dans le monde (1). Aux Etats-Unis, les 2/3 de la population sont en surpoids et 1/3 de la population est obèse. En France, 6,5 millions de personnes sont considérées comme obèses (soit 14,5% de la population adulte). Cette proportion étant passée de 8,5% à 14,5% entre 1997 et 2009, elle a donc pratiquement doublé en à peine 10 ans (2).

L’épidémie touchant à présent les pays émergents, les prédictions de l’OMS pour le futur ne sont pas optimistes. Elle estime qu’en 2030, le nombre de personnes en surpoids devrait atteindre 3,3 milliards. Ces statistiques confirment la réalité du problème et soulignent l’échec total, et ce au niveau mondial, du plan d’action de lutte contre l’obésité. De quoi peut-être accorder un peu plus d’attention aux théories de LEVINE?

Evolution du N.E.A.T : de la préhistoire à nos jours

L’Homme est une créature aux capacités physiques très limitées. Comparé aux champions du monde animal, il n’est ni fort, ni rapide, ni endurant et il ne brille pas spécialement par son agilité. Sa vue, son odorat et son ouïe sont par ailleurs tout à fait modestes moyennement développés. C’est probablement pour cette raison que nos ancêtres ont progressivement abandonné la quadrupédie (marche à 4 pattes) pour la bipédie (marche à 2 pattes). En effet, une fois sur ses deux pieds, l’Homme élargissait son champ de vision. Il pouvait donc repérer plus facilement les dangers et optimiser sa recherche de nourriture.

A cette époque, le programme quotidien d’activité physique se résumait en un mot : survivre ! Cela signifiait donc un mode de vie nomade au gré des conditions climatiques et la pratique quotidienne de la chasse, de la pêche et de la cueillette. Ainsi qu’un bon sprint de temps à autre dans l’espoir d’échapper à toutes ces créatures qui voyaient en nous des proies faciles. Le N.E.A.T était alors à son paroxysme, comme la nature l’avait voulu. Par la suite, et on le comprend, l’Homme n’a eu de cesse de chercher à améliorer son confort de vie. L’agriculture a été un premier grand pas en ce sens, puisqu’elle a permis à la plupart d’entre nous de s’acquitter  de la recherche quotidienne de nourriture. Par la même occasion, elle a occasionné le développement de la sédentarité.

Mais inutile de remonter aussi loin dans le temps pour observer l’inexorable déclin du N.E.A.T. Le mode de vie de nos grands-parents ou de nos arrières grands-parents (selon l’âge du lecteur)  était déjà bien différent du nôtre. A commencer par les moyens de locomotion. En 1907, on ne dénombrait que 250 000 automobiles dans le monde. Ce chiffre passe à 500 000 en 1914 puis à 50 millions avant la seconde guerre mondiale. Il atteindra les 300 millions en 1975 et le milliard en 2007 (3). Selon les Nations Unies, le parc automobile mondiale devrait atteindre 3 milliards de véhicules d’ici 2050. Cet essor a entraîné de profonds changements sociaux. Autrefois, il était impératif d’habiter à proximité de son lieu de travail afin de pouvoir s’y rendre rapidement à pied ou à bicyclette. Alors que, désormais, il n’est pas rare d’avoir à passer plusieurs heures par jour sur la route. Ainsi, depuis 1983, en Ile-de-France, la marche n’est plus le moyen de déplacement prédominant, c’est la voiture (4) !

Citons également l’apparition de la télévision, qui occupe en moyenne les Français 3h41 par jour selon une étude de l’INSEE datant de 2014 (5). Ou encore du numérique : 15 % des ménages disposaient d’un micro-ordinateur au milieu des années 1990 ; en 2010, ils étaient 70 % à en posséder au moins un. Les internautes français passent en moyenne 3h53 par jour sur Internet depuis un PC et 1h17 depuis un mobile. Ils accèdent aux réseaux sociaux durant 2 heures quotidiennement (6).  Selon Facebook lui-même, le temps passé par jour uniquement sur ce géant des réseaux sociaux serait de 46 minutes en moyenne (7).

Mais ce n’est pas tout ! Les cabinets ne sont plus dans un cabanon au fond du jardin, nos machines à laver s’occupent de la lessive, les robots ménagers sont de plus en plus performants, les ascenseurs et les escalators ont ringardisé l’escalier et la machine de Georges CLOONEY fait le café toute seule… On pourrait continuer à énumérer ce genre de petites différences pendant des heures et je suis certain que, mises bout-à-bout, elles équivaudraient effectivement à notre dépense calorique perdue.

En un demi-siècle, notre N.E.A.T semble bel et bien avoir fondu comme neige au soleil. La technologie était censée nous libérer des tâches que nous ne souhaitions plus accomplir. Et c’est chose faite…mais au détriment du mouvement. Or, il semblerait que nous ayons fortement sous-estimé l’importance de ces gestes quotidiens sur notre santé.

L’impact de l’inactivité sur le poids et la constitution corporelle

L’inactivité chronique impacte incontestablement la silhouette car elle entraîne :

  • Une diminution radicale du nombre de calories dépensées par jour
  • Une réduction du métabolisme basal (nombre de calories dépensées au repos), principalement due à la fonte de la masse musculaire (8,9)
  • Une diminution de la sensibilité à l’insuline ou « insulinorésistance » (diminution de la capacité des cellules musculaires à transformer le glucose sanguin en énergie) (10)
  • Une forte baisse d’activité de l’enzyme Lipoprotéine lipase chargée du brûlage des graisses (11)
  • L’augmentation de l’appétit (12)
  • La dégradation de la posture…

Une étude publiée dans le  Journal of Applied Physiology  a étudié l’effet de l’inactivité physique chez des jeunes personnes en bonne santé. Habituées à faire quotidiennement plus de 10 000 pas par jour, ces dernières ont eu à diminuer ce volume d’exercice à 1500 pas par jour durant une période de deux semaines.
Résultat : une diminution marquée de la sensibilité à l’insuline et une augmentation du pourcentage de graisse viscérale (13).

Plus impressionnante encore, cette capture instantanée réalisée par le College of Veterinary Medicine de l’Université du Missouri, représentant l’activité électrique musculaire en position assise (sitting), debout (standing/standing up), et en mouvement  (4 steps) :

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Notez comme le simple fait de se tenir debout élève l’activité musculaire alors qu’en position assise, elle frise le néant. Ceci explique la fonte musculaire qui survient inexorablement lorsque l’inactivité est trop prononcée.

On ne saurait pourtant trop répéter à quel point la préservation de la masse musculaire est un enjeu capital pour la santé. Par exemplela fonte musculaire des membres inférieurs entraîne une perte progressive de la mobilité aux conséquences fâcheuses :

  • L’effondrement du N.E.A.T et l’impact métabolique désastreux qui en découle
  • L’augmentation de la pression exercée sur les articulations et notamment sur les disques intervertébraux
  • La perte progressive de l’autonomie et ses répercussions psychologiques et sociales

C’est ce qui fait dire à Marc VOUILLOT, l’un des plus éminents préparateurs physiques français : « On meurt par les jambes ».

L’impact de l’inactivité sur la santé

Outre la dégradation de la composition corporelle, l’inactivité exerce également une influence néfaste sur une multitude de paramètres physiologiques. Citons-en 3, parmi les plus importants.

La fonction cardio-vasculaire 

La première étude d’envergure relatant une corrélation probable entre inactivité prolongée et maladies cardio-vasculaires est l’œuvre de scientifiques britanniques en 1953 (14). L’expérience portait sur 31 000 conducteurs de transports en commun. Certains chauffeurs demeuraient assis 90% du temps durant leur journée de travail (groupe A), alors que d’autres effectuaient entre 500 et 750 pas par jour durant le même laps de temps (groupe B). Ceci s’expliquant par le fait qu’en plus de la conduite, certaines compagnies imposaient le contrôle et le ramassage des tickets à leurs employés.

Les résultats surprirent les scientifiques :

  • Les conducteurs du groupe A présentaient un taux d’occlusion coronaire (« blocage » des artères coronaires pouvant conduire à une attaque cardiaque) 3 fois supérieur au groupe B.
  • Les conducteurs du groupe A présentaient un taux de décès liés à des problèmes cardiaques 2 fois supérieur à celui du groupe B.

Par la suite, d’autres études ont présenté des conclusions similaires en ce qui concerne l’impact de la position assise sur la fonction cardio-vasculaire (15,16, 17, 18).

Le diabète et la sensibilité à l’insuline

L’inactivité chronique diminue la sensibilité à l’insuline (ou insulinorésistance) et augmente les risques d’apparition de diabète de type 2. On parle de « résistance à l’insuline » lorsque les membranes des cellules deviennent de moins en moins sensibles à l’action de cette hormone. En effet, l’insuline agit comme une clef indispensable à l’ouverture des cellules afin d’y faire pénétrer le glucose sanguin et de transformer ce dernier en énergie (ATP). Lorsqu’une résistance à l’insuline s’installe, le glucose aura davantage tendance à être stocké sous forme de graisses corporelles (triglycérides et cholestérol) ou à s’accumuler dangereusement dans le sang. Précisons qu’une seule journée d’inactivité suffit à émousser la sensibilité à l’insuline (19,20).

La fatigue chronique 

Ce phénomène est particulièrement marqué chez les personnes aux activités sédentaires, comme les employés de bureau. Rappelons que l’inactivité et la position assise prolongée peuvent inhiber la fonction mitochondriale responsable de la production énergétique. En clair, moins on est actif et moins on a d’énergie à disposition (21).

Une étude récente réalisée par des chercheurs de University of Georgia renforce un peu plus cette théorie. Afin d’évaluer l’impact de l’activité physique sur la fatigue chronique, 36 personnes désignées comme « très sédentaires » ont été réparties en 3 groupes :

  • Le 1er groupe a effectué de l’exercice à « intensité modérée », en l’occurrence de la marche rapide en pente, durant 20 minutes trois fois par semaine (groupe A).
  • Le 2nd groupe a effectué une activité à « faible intensité », en l’occurrence de la marche lente, également durant 20 minutes trois fois par semaine (groupe B).
  • Le 3ème groupe n’a pas fait d’exercice (groupe C).

Après six semaines, les groupes A et B ont augmenté de 20 % leurs niveaux d’énergie tandis qu’aucun changement n’a été observé chez les membres du groupe C. Par ailleurs, le groupe B a enregistré une diminution de la sensation de fatigue à hauteur de 65%, tandis qu’elle n’est que de 49% chez le groupe A (22).

Le groupe ayant effectué de l’exercice à faible intensité a donc obtenu des résultats supérieurs à celui ayant effectué de l’exercice à intensité modérée.

Tout en confirmant le lien présumé entre inactivité et fatigue chronique, la conclusion de cette étude offre une transition parfaite vers le paragraphe suivant.

Pourquoi nous devrions penser « N.E.A.T  » avant de penser « sport »

Parvenu à un point délicat de ma démonstration, je vais tâcher de préciser au mieux ma pensée. Loin de moi l’idée de prétendre que l’activité sportive est inutile ou nuisible pour la santé. Bien au contraire, utilisée intelligemment, son impact esthétique et métabolique est indiscutable. Toutefois, en accord avec LEVINE, j’estime qu’en ce qui concerne l’activité physique, le problème a été pris à l’envers. Chez les personnes les plus sédentaires, il faudrait d’abord se focaliser sur l’amélioration du N.E.A.T avant d’envisager la pratique sportivePremièrement parce qu’une activité physique occasionnelle ne compense que très difficilement un quotidien peu actif, et secondement parce que la pratique du sport elle-même n’est pas sans poser quelques problèmes.

En effet, il est aujourd’hui très clair que les séances sportives à haute intensité sont les plus efficaces lorsque l’on cherche à améliorer ses performances ou son physique. Le principe est simple, on exerce un stress physiologique important sur l’organisme dans l’espoir que ce dernier se reconstruise plus fort.

Ceci sous-entend néanmoins trois choses :

  1. D’aimer faire du sport
  2. D’être en suffisamment bonne santé pour pouvoir s’entraîner vigoureusement
  3. De respecter régulièrement des plages de repos afin de laisser le temps à l’organisme d’effectuer son travail de reconstruction. C’est ce qu’on appelle dans le jargon sportif « la phase de surcompensation ». Malheureusement, cette nécessité physiologique est globalement mal comprise. Dans l’esprit collectif, plus on s’entraîne et plus on obtient de résultats. Grossière erreur ! Un excès de pratique sportive finira par dérégler les systèmes nerveux et endocriniens et par s’avérer contre-productif.

A contrario, le N.E.A.T regroupe essentiellement des tâches quotidiennes de faible intensité. Il ne stimule que très modérément les systèmes nerveux et hormonal. Le besoin de récupération est donc logiquement réduit et les journées peuvent s’enchaîner sans problèmes.

A ce stade, vous m’objecterez certainement que la réalisation quotidienne d’activités de faible intensité ne vous semble pas vraiment porteuse de grands bénéfices. Détrompez-vous !

Les bienfaits du N.E.A.T

En accroissant le niveau d’activité journalier, on préserve réellement son physique et son état de santé général.

En voici quelques exemples :

N.E.A.T et surpoids

Une étude récente réalisée par des chercheurs de University of Pittsburg a conclu qu’une marche lente de 15min à 3Km/h brûlait en moyenne entre 2,4 et 2,7 fois plus de calories que 15 minutes en position assise devant un ordinateur (23). Ces résultats tendent à confirmer la théorie défendue par LEVINE selon laquelle il serait possible d’accroître remarquablement la dépense calorique journalière en réduisant le temps passé assis chaque jour.

Par corollaire, plus de mouvements signifie également plus de sollicitations musculaires. Il peut alors en découler un accroissement de la masse musculaire entraînant une élévation du métabolisme basal (nombre de calories brûlées au repos).

N.E.A.T et sensibilité à l’insuline

Autre impact intéressant, celui sur la sensibilité à l’insuline. Une étude réalisée par des chercheurs japonais sur 45 personnes souffrant de diabète de type 2 (insulinorésistance) a révélé qu’un N.E.A.T plus important améliorait significativement la sensibilité à l’insuline, le tour de taille et la pression artérielle (24).

Une autre étude a observé l’effet de 3 séances de marche de 50 à 70 minutes hebdomadaires durant 12 semaines chez des femmes obèses. Là encore, les conclusions révèlent des résultats significatifs sur la perte de graisse abdominale et l’amélioration de la sensibilité à l’insuline (25). Les chercheurs concluent par ailleurs que « la marche pourrait constituer une stratégie saine et efficace pour lutter contre l’obésité abdominale et la résistance à l’insuline chez les femmes obèses.»

N.E.A.T et cancer

Une étude de la MacMillan Cancer Support, fondation spécialisée dans la recherche et la lutte contre le cancer, estime que marcher entre 1 et 2 km par jour réduirait de 30% à 40% le risque de décès des personnes atteintes d’un cancer du sein ou de la prostate (26).

N.E.A.T et fonction cérébrale

La fonction cérébrale pourrait également profiter pleinement des bienfaits du N.E.A.T, et ce à tout âge.

Une étude italienne de 4 ans et portant sur 749 personnes (hommes et femmes) âgées de plus de 65 ans a conclu que celles qui pratiquaient chaque semaine des activités comme la marche ou le jardinage réduisaient significativement le risque d’apparition de démence vasculaire (27).

Une étude publiée par des chercheurs de la  Albert Einstein College of Medicine rapporte que chez 469 personnes âgées de plus de 75 ans, la danse était de très loin l’activité la plus efficace pour prévenir le déclin cognitif, devant la lecture, le golf, les jeux de cartes ou les puzzles (28).

N.E.A.T et vieillissement

Poursuivons avec cette surprenante étude publiée dans Archives of Internal Medecine.

Cette dernière portait sur la différence de santé cellulaire chez plus de 2400 jumeaux et jumelles. Les hommes et les femmes les plus actifs/actives présentaient un net ralentissement du processus de vieillissement par rapport aux plus inactifs/inactives. Les chercheurs conclurent que les cellules des jumeaux/jumelles actifs/actives étaient plus jeunes de 4 ans par rapport à celles de leurs pendants sédentaires (29).

N.E.A.T, arthrose et posture

Impossible de ne pas parler de l’importance du mouvement pour la préservation de l’état de santé des articulations. La position assise répétée est une catastrophe pour les hanches, les genoux, le rachis et les épaules. Il en va de même pour la posture qui se dégrade progressivement, entraînant notamment la chute de la tête vers l’avant, l’affaissement des épaules et la rétroversion du bassin.

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Rappelons que le simple fait de se tenir debout et de marcher nécessite l’intervention de muscles posturaux stabilisateurs. Il suffit d’observer bébé tenter de faire ses premiers pas pour le comprendre. En passant chaque jour plus de temps sur nos deux pieds, cette musculature se renforce rapidement et la posture s’améliore après quelques semaines seulement. A noter enfin que le N.E.A.T est important pour les personnes atteintes d’arthrose, car les petits mouvements quotidiens renforcent la masse musculaire et lubrifient les articulations. De quoi retarder la progression de la maladie et soulager quelque peu les douleurs.

Devant tant de bienfaits potentiels, il reste tout de même à éclaircir un point litigieux. Si le N.E.A.T est si intéressant, pourquoi certaines personnes pourtant actives présentent-elles un fort surpoids et/ou des problèmes de santé ?

Le paradoxe du maçon

C’est une question intéressante que LEVINE aborde dans son ouvrage « Move a little, lose a lot« , mais dont la réponse n’est pas suffisamment développée à mon goût. Pour comprendre ce paradoxe, j’aime utiliser l’exemple de la maçonnerie. Ce métier sous-entend une activité physique non sportive quotidienne très importante. Cependant, à l’instar d’autre métiers,  il n’est effectivement pas rare d’observer des maçons en surpoids, diabétiques, perclus d’arthrose ou souffrant de problèmes cardio-vasculaires. Alors comment l’expliquer ?

Tout d’abord, il faut bien comprendre que le mouvement ne représente qu’une partie de l’équation métabolique et non pas LA solution miracle pour prévenir l’apparition de problèmes de santé, dont le surpoids. De nombreux autres paramètres sont à prendre en compte comme le sommeil, la nutrition, l’inflammation chronique, l’état du système digestif, le stress, l’hérédité ou encore l’équilibre hormonal. On peut donc très bien être physiquement actif mais présenter des faiblesses dans d’autres domaines.

Secondement, il aurait été plus judicieux que l’anagramme N.E.A.T signifie « Non Exhaustive Activities Thermogenesis » plutôt que « Non Exercice Activites Thermogenesis« . Soit « Thermogénèse induite par des activités non épuisantes » au lieu de « Thermogènèse induite par des activités non sportives ».

Tout simplement parce que le corps humain ne fait pas la différence entre une activité sportive et une activité non sportive d’intensité équivalente comme la maçonnerie. Dans les deux cas, il s’agit d’un stress physiologique qui nécessiterait théoriquement le respect de phases de surcompensation afin de laisser le temps à l’organisme de se ressourcer. Il est donc tout à fait envisageable que certains artisans puissent présenter des signes de suractivité physique entraînant une dégradation accélérée du métabolisme.

Il s’ensuit que, bien qu’un quotidien actif soit préférable, il faut tout de même rester attentif aux signaux envoyés par son corps. Si une forte envie de se reposer se manifeste, il est préférable de tenir compte du signal. S’il ne fallait retenir qu’une chose, c’est que la stimulation est bénéfique, pas la fatigue !

Terminons-en là pour la théorie et abordons à présent la pratique.

Comment améliorer son N.E.A.T

Il convient d’effectuer au préalable un état des lieux OBJECTIF du niveau d’activité journalier. J’insiste sur la nécessité de réaliser ce bilan, car nous avons tous tendance à sous-évaluer ou à surévaluer certaines situations. Afin de ne pas se tromper, il est recommandé de procéder de la sorte :

  1. Tenir sur une semaine un journal d’activités quotidiennes. Pour ce faire, noter à l’issue de chaque journée la nature des activités et le temps consacré. Attention, la semaine en question doit être représentative du quotidien. Les périodes de vacances ou de déplacements inhabituels sont donc à éviter.
  2. Colorer en vert les activités effectuées debout ou en mouvement et en rouge les activités effectuées assises. Ce choix de couleurs n’est pas anodin, puisque nous sommes habitués à percevoir le rouge comme étant la couleur de « l’erreur ou de l’interdiction » et le vert comme étant celle « de la bonne réponse ».
  3. A l’issue de cette semaine d’évaluation, un relevé précis du niveau moyen d’activité journalier se dessine. Le journal sera majoritairement coloré en vert si le quotidien est suffisamment actif ou majoritairement coloré en rouge dans le cas contraire.  Il sera alors possible de déterminer si le N.E.A.T à a réellement besoin d’être amélioré.

Pour exemple, voici l’illustration de la journée type de deux personnes aux N.E.A.T diamétralement opposés :

  1. sans-titre
  2. 4. Une fois ce travail réalisé, il faut ensuite réfléchir aux solutions concrètes à apporter afin de demeurer chaque jour le plus actif possible. L’option la plus efficace consiste à chercher une ou plusieurs alternatives « vertes » aux activités colorées en rouge. Laissez parler votre imagination !
  3. sans-titre
  4. Lorsque le tableau comporte plus de vert que de rouge, on peut alors considérer le quotidien comme étant désormais suffisamment actif.

Les seules professions pour lesquelles il est difficile de procéder à ce genre d’ajustements sont celles qui nécessitent de passer un grand nombre d’heures sur la route (routiers, livreurs, ambulanciers, commerciaux…). Pour toutes les autres, il y a toujours la possibilité d’améliorer la situation. Contrairement aux idées reçues, le travail de bureau n’est pas incompatible avec un N.E.A.T élevé. De nombreuses solutions existent, pour peu qu’on se donne la peine de prendre le problème au sérieux.

Conclusion

Le déclin progressif du N.E.A.T est une triste réalité dans nos civilisations. Il est désormais courant de rester assis entre 10 h et 12 h quotidiennement lorsque l’on cumule le temps passé au travail, dans les transports et devant nos écrans. Si l’on rajoute à cela 7h de sommeil par nuit en moyenne, on peut obtenir jusqu’à 19h « d’inactivité » sur une journée de 24H. L’essor du fitness et de la pratique sportive en général est louable, mais je ne suis pas certain que même 1h de sport par jour puisse réellement compenser les dégâts engendrés par l’excès de sédentarité. Et puisque le fameux « Just do It » de la célèbre marque à virgule risque de ne pas suffire, remettons au plus vite le « Just do N.E.A.T » au goût du jour !




(1) Organisation Mondiale de la Santé (OMS) - "Obésité et surpoids" - Aide-mémoire N°311
(2) Enquête épidémiologique ObEpi - Roche 2009

(3) https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_l'automobile#cite_note-1

(4) Enquête Globale de Transport - EGT, 2001-2002

(5) http://www.insee.fr/fr/statistiques/1280984#inter6

(6) http://www.blogdumoderateur.com/etat-des-lieux-2015-internet-reseaux-sociaux/

(7) http://www.atlantico.fr/atlantico-light/temps-moyen-passe-facebook-est-desormais-46-minutes-jour-mark-zuckerberg-2262113.html

8) Ferrando AA, et al. Inactivity amplifies the catabolic response of skeletal muscle to cortisol. J Clin Endocrinol Metab. 1999 Oct;84(10):3515-21

9) Ferrando AA, et al. Prolonged bed rest decreases skeletal muscle and whole-body protein synthesis. Am J Physiol. 1996;270:E627–33.
10) Stephens BR, et al. Effects of 1 day of inactivity on insulin action in healthy men and women: interaction with energy intake. Metabolism. 2011 Jul;60(7):941-9. doi: 10.1016/j.metabol.2010.08.014. Epub 2010 Nov 10.

(11) Bey L, et al. Suppression of skeletal muscle lipoprotein lipase activity during physical inactivity: a molecular reason to maintain daily low-intensity activity. J Physiol. 2003 Sep 1; 551(Pt 2): 673–682. Published online 2003 Jun 18.  doi: 10.1113/jphysiol.2003.045591

(12) Granados K, et al. Effects Of Inactivity And Energy Status On Appetite Regulation In Men And Women. Medicine & Science in Sports & Exercise 41(Supplement 1) · May 2009

(13) John P. Thyfault, et al. Metabolic disruptions induced by reduced ambulatory activity in free-living humans. 

(14) Morris JN, et al. Coronary heart-disease and physical activity of work. Lancet. 1953;265(6795):1053–1057; 1111–1120.
(15) Wilmot EG, et al. Sedentary time in adults and the association with diabetes, cardiovascular disease and death: systematic review and meta-analysis. Diabetologia. 2012 Nov;55(11):2895-905. doi: 10.1007/s00125-012-2677-z. Epub 2012 Aug 14.

(16) Celine Latouche, et al. Effects of breaking up prolonged sitting on skeletal muscle gene expression. J

(17) Taylor HL, et al. Death rates among physically active and sedentary employees of the railroad industry. Am J Public Health Nations Health. 1962;52:1697–1707.
(18) Soares-Miranda L, et al. Physical Activity and Risk of Coronary Heart Disease and Stroke in Older Adults: The Cardiovascular Health Study. Circulation. 2016 Jan 12;133(2):147-55. doi: 10.1161/CIRCULATIONAHA.115.018323. Epub 2015 Nov 4.

(19) Stephens BR, et al. Effects of 1 day of inactivity on insulin action in healthy men and women: interaction with energy intake. Metabolism. 2011 Jul;60(7):941-9. doi: 10.1016/j.metabol.2010.08.014. Epub 2010 Nov 10.
(20) Timmons JA, et al. Expression profiling following local muscle inactivity in humans provides new perspective on diabetes-related genes. Genomics. 2006 Jan;87(1):165-72. Epub 2005 Dec 2.
(21) Pedro A. Figueiredo, et al. Impact of Lifelong Sedentary Behavior on Mitochondrial Function of Mice Skeletal Muscle. J Gerontol A Biol Sci Med Sci. 2009 Sep; 64A(9): 927–939. Published online 2009 May 22. doi:  10.1093/gerona/glp066
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